CHAPITRE XII
Cal est nerveux comme une jeune fille, lorsque la Cassy mouille l’ancre dans la baie de Kankal, en fin de journée ! Du monde sur le quai.
— Tu ne trouves pas qu’ils sont bien silencieux ? La phrase de Salvo fait l’effet d’une gifle au Terrien qui s’immobilise. C’est vrai qu’il n’y a aucun cri de bienvenue. La foule est massée sur la jetée principale mais les Vahussis se tiennent immobiles.
— Lou, fais armer le canot avec Salvo, Belem et Ripou. Je prendrai la barre. Prenez vos arbalètes.
Deux minutes plus tard, le canot est amené et Cal s’installe à l’arrière pendant que les robots empoignent les avirons.
Voilà le quai. Sistaz est là, au premier rang, la mine sombre. Cal agrippe l’échelle et grimpe sur la jetée.
— Raconte, jette-t-il sèchement.
Sistaz le regarde un instant, puis se racle la gorge.
— C’est ma faute, Cal, je ne me suis pas méfié.
— Les prêtres ? lance le Terrien d’une voix sourde. Sistaz hoche lentement la tête, un geste vague de la main.
— Ils ont pris le Protecteur et Casseline…
Cal a l’impression de recevoir un coup au ventre. Il a vaguement conscience de la mauvaise sueur qui vient à son front. Il pâlit. Tout devient flou derrière le visage de Sistaz.
— Chez moi, dit-il enfin en se mettant en marche, suivi des robots.
La pièce principale est dévastée, les chaises renversées, les meubles brisés. Il se tourne sans un mot vers Sistaz qui commence.
— Divo a reçu un message du Rajak qui proposait une entrevue ici-même. Ça nous a semblé raisonnable. Il voulait signer un traité de paix définitif et prendre des accords de navigation. Le Protecteur lui a fait répondre qu’il pouvait venir par la mer. Un grand brick est arrivé la semaine dernière avec le Rajak. Il y a eu tout de suite une entrevue devant le Conseil. Les propositions du Rajak étaient intéressantes et Divo était content. Il y a eu un banquet le soir, avec la suite du Rajak. On connaissait tout le monde, il n’y avait pas un soldat.
« Le lendemain, il y a de cela une semaine, les conversations ont repris et Casseline a invité le Rajak dans ta maison, avec juste quelques personnes. C’est là que ça s’est passé. À la fin du repas des soldats de Senoul sont entrés, l’arme à la main. Je me suis battu, mais j’ai été assommé. On leur avait dit que tu n’étais pas là et ils n’ont emmené que Divo et Casseline. Leur brick était plein de soldats… Je n’avais pas penser à la fouiller, Cal, c’est ma faute. »
Cal secoue la tête, le visage crispé.
— Que veulent-ils ?
— La reddition de Kankal, ils garderont le Protecteur en otage.
— Et Casseline, les enfants ?
— Les enfants sont chez moi. Ils n’ont pas dû avoir le temps de les chercher. Pour Casseline, c’est leur otage aussi, pour que tu te livres ! Ils ont des observateurs dans la presqu’île qui doivent prévenir de ton arrivée. Tu dois partir dès le jour suivant pour te rendre, sinon Casseline sera mise à mort au bûcher.
Une gigantesque vague de colère envahit Cal.
— Les salauds, quels salauds ! Sistaz, n’oublie jamais ça : on peut tout attendre d’un ennemi et l’indulgence ne mène qu’à des catastrophes. Je vais les tuer ces salauds, les écraser. Et les prêtres ?
— Ils veulent construire un Temple ici même, à l’emplacement de ta maison. Ce sont eux qui mèneront les pourparlers.
— Tu parles ! Ils vont nous abattre, c’est tout. Où sont-ils enfermés ?
— Dans le château du Rajak. Il n’y a aucune solution. Cal, j’ai tout envisagé, tu penses bien. Dès qu’ils nous verront arriver, ils tueront Divo et Casseline. Les gens d’ici ne veulent pas que le Protecteur meure. Ils disent qu’aujourd’hui les prêtres ne pourront jamais plus les soumettre, qu’ils attendront le temps qu’il faudra mais qu’ils délivreront Divo et chasseront les prêtres.
— Quand ? Dans vingt ans ? Non, Sistaz, cette affaire me concerne directement, je vais chercher Divo et Casseline.
— Alors je viens avec toi, dit Sistaz vivement.
— Non, ils t’ont laissé ici pour qu’il y ait un responsable capable de transmettre les ordres et pour ça ils ont raison. Leur erreur, c’est de m’avoir choisi. Ils ont dû croire que c’est moi qui commandais l’armée lors de la grande bataille.
— Mais… c’était toi !
— Non, Sistaz, la preuve, c’est que tu étais seul pour la victoire. Kankal, l’armée, ont besoin de toi. Je me débrouillerai. Seul un petit groupe a une chance de pénétrer là-bas.
Il se tourne vers les robots.
— Vous quatre, vous venez avec moi. Préparez un sloop, nous embarquons tout de suite dans le port de pêche pour éviter d’être repérés. Sistaz, s’il m’arrivait quelque chose, je veux que tu dises à Divo que je lui confie mes enfants. Mais je souhaiterais que tu fasses toi-même leur éducation d’homme, lorsqu’ils auront l’âge. Quant à mes biens, ils seront administrés par Likari, jusqu’à ce que les enfants soient en âge de prendre seuls les décisions.
— Tu ne veux pas les voir ?
— Leur mère a davantage besoin de moi, en ce moment. Je pars.
*
Le vent a fraîchi et le sloop avance vite, poussé de trois quarts arrière. Au bout d’une heure, un amphib émerge à proximité et Cal met le sloop dans le vent, le foc bordé à contre pour immobiliser le bateau. Belem monte dans l’amphib et en ramène le matériel qu’a demandé le Terrien un peu plus tôt. Celui-ci passe la barre à Lou pendant qu’il enfile une combinaison de combat sous ses vêtements vahussis dont il déchire la chemise à hauteur de la ceinture pour laisser le passage des boutons de commande du sustentateur. La batterie est logée dans un ceinturon dissimulé sous le justaucorps. C’est un système classique antigravité qui a l’avantage d’être inclus dans la combinaison.
La solidité de l’ensemble permet d’éviter d’enfiler un harnais. Ça ne lui permet pas de monter à plus de cinq mille mètres mais il n’y a pas de montagne à Senoul. Dans un sac de toile qu’il accroche au côté droit de sa ceinture vahussie, il place un désintégrateur, sorte de triangle rectangle avec des trous où passer les doigts, et un électrocutant.
Le visage dur, il a accompli tous ces gestes sans dire un mot. Lorsqu’il est enfin prêt, il a une hésitation et finit par accrocher l’épée au côté gauche de sa ceinture, puis il appelle HI.
— Mets un robot-boule dans le sloop et… Non, ça n’ira pas assez vite, enveloppe le bateau dans un champ magnétique et transporte-le à deux kilomètres de Senoul, près de la côte.
Puis il se tourne vers les robots.
— On va directement au château Rajak, branchez vos « antigravité ».
Il ne s’est jamais servi de ce système loy, mais ses gestes sont sûrs. Du pouce, il bascula l’interrupteur de champ, mettant en circuit le tissage antigravité de la combinaison. Son index vient s’encastrer dans le bouton de pilotage, en relief, et le fait glisser vers le haut. Il a dû aller trop vite, parce qu’il a l’impression d’encaisser un magistral coup de pied dans les fesses, pendant que le bateau disparaît à ses yeux. Mais les robots le rejoignent déjà.
Sans tâtonner, il fait glisser le petit bouton de puissance et, aussitôt, allongé dans la position d’un nageur, fonce vers le Nord-Ouest à cent vingt kilomètres/heure. En fait, la vitesse pourrait être supérieure, atteindre même deux cent cinquante kilomètres/heure, mais sans casque et sans lunettes de protection, les risques sont trop grands. La pression de l’air, dans ce cas, écrase les globes oculaires. Il ne s’agit pas d’arriver à Senoul avec des troubles de la vue. Il existe bien un autre type de combinaison. extraordinairement plus perfectionné, commandé par impulsion mentale, mais elle nécessite une légère opération du crâne qu’il n’a pas eu l’occasion de subir.
Une masse plus sombre, en dessous, la côte probablement. Sans aucun autre bruit que le frottement de l’air, les cinq silhouettes flottent dans l’obscurité. À dire vrai. Cal ne voit rien, totalement tendu, obsédé par la pensée de Casseline entre les mains des prêtres. À l’époque où il était logicien, sur Terre, Cal ressentait déjà une véritable aversion pour le fanatisme, qu’il soit d’ordre sportif ou politique. C’était même la seule chose qui le mettait vraiment en colère. Peut-être son caractère a-t-il évolué après la destruction de la Terre ? Peut-être la raison profonde de cette catastrophe, cette volonté de puissance des politiciens terriens, a-t-elle exacerbé son hostilité envers le fanatisme ? Ce soir, en tout cas, c’est une haine féroce qui l’a saisi, lui le pacifiste, lui l’homme tolérant s’il en est.
Un robot qu’il ne peut distinguer le dépasse légèrement et du bras tendu montre la droite. Sans discuter. Cal remue légèrement le bouton-curseur à sa ceinture et son corps oblique. Il ralentit soudain en apercevant des lueurs au sol. Senoul. Il se repère, et repart vers le Sud où se trouve le château du Rajak, pas loin du Temple de Frahal.
Le voilà. Un bloc massif qui surgit de l’ombre. De la lumière apparaît, filtrée par les lucarnes étroites. Sans hésiter. Cal abaisse le bouton-curseur et diminue la puissance. Aussitôt, son allure fortement ralentie, il descend. Le toit plat. Il réduit encore et vient doucement prendre pied sur la terrasse.
Une porte là-bas, à gauche. Sans une hésitation, il la pousse, un trou noir.
— Salvo, fais un peu de lumière.
Un pinceau lumineux jaillit du visage du robot, éclairant un escalier étroit. Une cinquantaine de marches et ils débouchent dans une galerie. Cal avance et découvre un couloir, à droite, éclairé par une torche fichée dans un mur, au-dessus d’un soldat de garde. Avant que celui-ci ait pu faire un geste, il a bondi, dégainant son épée qu’il colle sous le cou du soldat.
— Où sont les prisonniers, lance-t-il d’une voix dure ?
Le garde déglutit difficilement, paralysé de peur.
— Où sont-ils, reprend Cal en élevant la voix, la pointe de l’épée faisant cette fois jaillir un peu de sang ?
— A… au Temp…
Une porte s’ouvre sur la gauche et un officier apparaît.
— Qu’est-ce qu’il…
— Abats-le !
L’ordre est parti, sèchement. Quatre grésillements, une onde de chaleur. L’officier a disparu.
Complètement paniqué, maintenant le soldat ! Ses dents s’entrechoquent si fort qu’il ne peut même plus parler.
— Ils sont au Temple, c’est ça, demande Cal ? L’autre hoche la tête frénétiquement.
— C’est le Rajak qui les a livrés ? Nouveau hochement de tête.
— Amène-moi à cette ordure de Rajak !
L’autre ne bouge pas et Cal baisse son épée, empoigne le soldat par un bras et le pousse en avant.
Une série de couloirs et d’escaliers et un murmure de voix se fait entendre, s’enflant au fur et à mesure qu’ils se rapprochent. Soudain ils débouchent au sommet d’une volée de six marches donnant sur une grande salle. Autour d’une table, le Rajak et une dizaine d’officiers et de dignitaires se goinfrent de nourriture.
D’une poussée. Cal précipite le prisonnier en bas des marches. Le bruit de la chute fait tourner des visages qui se figent brusquement. Sans un mot. Cal descend, se dirigeant droit sur le Rajak, ne voyant que lui, ignorant les autres. Puis sa bouche s’ouvre.
— Ordure ! Foutue saloperie de Rajak, je vais l’étriper, tu…
— À la garde !
Reprenant ses esprits le Rajak s’est redressé et hurle. Tout de suite les convives, sortis de leur paralysie, sortent leur épée, renversant les sièges dans leur hâte. L’un d’eux se dresse devant Cal, qui n’a pas un geste, les yeux toujours fixés sur le Rajak. L’homme s’effondre, transpercé par l’épée de Lou, sans que le Terrien ralentisse sa marche. Il y a quelque chose d’inéluctable dans l’attitude de Cal, le Destin en marche, une condamnation à mort à laquelle le Rajak se sent brutalement et inexorablement voué. Il a un geste désespéré pour sortir son épée, sans croire vraiment qu’elle pourra lui sauver la vie. Et ce malgré l’énorme disproportion de forces entre les cinq hommes et la bonne dizaine qu’ils ont en face d’eux.
Et même lorsqu’une porte s’ouvre au fond de la salle, laissant pénétrer un flot de soldats, la terreur ne s’efface pas de ses yeux, comme s’il savait que rien, aucun être humain, aucune puissance n’arrêterait le Terrien…
Bellem, Ripou et Salvo ont fait face à la meute, l’un à côté de l’autre. Ils attendent, l’épée basse, puis comme obéissant à un ordre mystérieux, avec un synchronisme parfait, surnaturel pour leurs ennemis, ils frappent. Trois gestes totalement identiques, trois épées qui décrivent la même trajectoire, lançant trois éclairs brefs.
C’est la chute de trois corps qui rompt cette prodigieuse symétrie. Avant même que les premières victimes n’aient touché le sol, ils ont fait un pas de côté, choisissant une autre poitrine, une autre tête, un autre cou.
Les soldats se bousculent, ceux de derrière ne comprenant pas pourquoi les trois silhouettes n’ont encore pas été touchées devant une telle muraille d’épées qui cherchent à les transpercer. Mais la muraille s’effrite, les corps tombent les uns sur les autres, faisant un autre mur. Quelques secondes à peine se sont écoulées, et le sol est couvert de cadavres ! Les soldats n’ont pas le temps de voir bouger les épées de leurs trois ennemis qu’ils sont déjà touchés ! Tout se passe à une vitesse folle !
— Jamais plus un Vahussi ne fera confiance aux amis des prêtres, gronde Cal face au Rajak. Tu aurais pu vivre en paix, salopard, tu vas mourir salement.
— Tu… tu n’as pas… le droit… je… je suis le Ra…jak…
Une lueur éclaire son regard.
— … d’ailleurs, tu ne pourras pas les délivrer, jamais tu n’entreras dans le Temple, ils sont sûrement prévenus et les portes sont fermées maintenant. Rends-toi, rends-toi, ou ils seront mis à mort. Je… je suis le seul à pouvoir les sauver, si tu te rends.
— Tu ne sauveras rien, même pas ta peau. Je vais planter mon épée dans ton ventre de salaud et tu crèveras lentement, lentement, regarde !
Cal avance d’un pas et le Rajak instinctivement lève son épée. Cal se laisse tomber au sol et détend son bras. Sa lame pénètre le ventre découvert sous le regard stupéfait, puis terrorisé, du Rajak.
Sans un mot. Cal se relève et se détourne. Pour lui, c’est fini, il n’y a plus de Rajak. Personne ne peut le sauver. Il reste encore une dizaine de soldats face aux robots.
— Au désintégrateur !
Il faut en finir rapidement et cette tuerie est une perte de temps. Les soldats encore debout s’effacent…
Sans un regard en arrière. Cal sort de la salle et se dirige vers la porte du château. Dehors, il s’arrête un instant pour regarder le Temple. L’alerte y a manifestement été donnée, les deux battants du lourd portail sont fermés. Il porte la main à sa ceinture et s’élève dans l’air.
Il vient jeter un coup d’œil à chaque lucarne, l’une après l’autre. Les prêtres ont organisé la défense intérieure. Partout, des soldats courent d’une pièce à l’autre. Au second étage enfin, il tombe sur une cellule. Divo est là debout, seul, devant une porte fermée.
Un peu plus loin, sur le mur de façade, s’ouvre une large fenêtre et Cal y prend pied. Cette fois il en a assez et remet l’épée dans le fourreau, sortant le désintégrateur. Deux prêtres se tiennent dans la pièce. Ils ont juste le temps de dévisager l’intrus avant de disparaître ! Cal va à la porte qu’il ouvre sans précaution. Dans le couloir, quatre soldats reçoivent les ordres d’un vieux prêtre, l’épée à la main. Cal braque le désintégrateur et appuie sur le bouton de déclenchement. Il sent le bref ronronnement dans la paume de sa main et les cinq hommes s’effacent à leur tour…
— Ripou, jette-t-il derrière lui, libère Divo et ramène-le à Kankal avec un bateau d’ici.
D’autres portes, le long du couloir. Cal les ouvre successivement, abattant du même coup quelques soldats. Il fait maintenant une chaleur étouffante dans cet espace fermé où les dégagements d’énergie calorique des désintégrateurs ne peuvent se dissiper, et le Terrien range son arme pour prendre le pistolet électromagnétique. Il lui faut un prisonnier pour apprendre où Casseline est enfermée. Le combat s’est déroulé dans un silence presque total jusqu’alors et sa présence n’a pas été signalée à l’étage inférieur.
Poussant son exploration, il arrive enfin à un large escalier qu’il emprunte. Deux soldats sont là. Rapidement, il tend le bras et vise celui de gauche. Il pousse la détente du gros tube. Un éclair violet jaillit et l’homme se raidit sous la décharge, la tête rejetée en arrière. Puis il s’effondre. Menaçant l’autre, Cal descend les deux dernières marches.
— Amène-moi à la prisonnière.
L’homme a les yeux presque exorbités, mais il se décide. Encore une galerie aboutissant à un minuscule escalier en colimaçon. Les pas résonnent sur les marches de pierre. Une salle maintenant. Trois autres corps ! Et puis ils arrivent…
Casseline est là, attachée sur une table, vêtue de haillons sanglants elle ne tourne pas la tête à leur arrivée.
— Cassy !
C’est un hurlement qui a jailli de ses lèvres. Il se précipite, indifférent aux deux hommes en sombre qui se sont dressés. Sans vraiment les voir, il enregistre tout de même les deux rayons violets et la chute des hommes.
Avec des gestes maladroits, il coupe les liens et glisse un bras sous la tête de la jeune femme.
— Ma Cassy, c’est moi. Cal. Je vais t’emmener, tu ne risques plus rien. Oh ! ma Cassy, jamais plus je ne te quitterai, tu viendras avec moi, je m’arrangerai… tu… verras.
Les paupières de Casseline frémissent et s’entrouvrent doucement. Elle semble soudain le reconnaître, car elle a une ébauche de sourire et puis sa tête roule sur le bras de Cal.
— Cassy ! Cassy ! non, non…
Il n’a même pas le geste de tâter son cœur, il sait que Casseline vient de mourir dans ses bras…
Il se sent froid, glacé, ne voit plus rien, n’entend plus rien, inconscient.
*
Plus tard, une rage démente le saisit. Il ordonne à Lou d’emporter le corps de la jeune femme au sloop et commence la fouille du Temple. Le pistolet électromagnétique est brûlant dans sa main lorsqu’il achève le dernier prêtre… Sortant du Temple, il s’éloigne puis, modifiant le réglage de son désintégrateur, il balaie horizontalement l’espace devant lui. Il ne se passe rien, mais le Temple est désormais coupé en deux à sa base. Tôt ou tard une tempête le fera écrouler !
L’arme à la main, le visage dressé, inondé de larmes, il cherche encore une victime, sa rage de tuer toujours aussi exigeante.
Et puis le ressort se casse. Il lâche l’arme, tombe à genoux, les épaules secouées de sanglots.
Un homme a ses limites. Il peut endurer des peines jusqu’à un certain point au-delà duquel il craque. Cal avait encaissé durement la nouvelle de la disparition de la Terre, puis celle de son ami Giuse et enfin sa solitude sur cette planète inconnue. Cela fait beaucoup pour un homme que rien ne préparait aux coups durs. La mort de Cassy, surtout dans ces conditions, l’a fait craquer.